À l’occasion du 80ème anniversaire du Débarquement, Volodymyr Zelensky a fait une entrée en treillis remarquée, ovationné par la foule réunie en Normandie. Depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie, la guerre est de retour sur le continent européen, et Vladimir Poutine n’a pas été convié à célébrer la paix. Une première alors que l’URSS avait payé un lourd tribut pour libérer l’Europe pendant la Seconde Guerre mondiale. Car hier, comme aujourd’hui, ce sont les civils qui en payent le prix fort.
Alors que le Rassemblement national est aux portes du pouvoir en France, Les Temps Qui Courent donne ce mois-ci la parole à ceux qui ont grandi dans la tourmente de la guerre, Edith, Ferdinand, Françoise et Léopold, qu’ils aient subi l’Occupation, ou la propagande nazie, résisté à l’occupant ou combattu pour la liberté.
Qui sont Edith, Ferdinand, Léopold et Françoise ?
Edith Sineux : La fiancée du résistant.
Edith n’a pas 20 ans lorsqu’en 1940, sur les grèves du Mont-Saint-Michel, elle tombe amoureuse de Jean Vauzelle, apprenti cheminot et résistant, à qui elle se fiance en 1943 pendant l’Occupation. Révoltée de voir « tous ces Allemands en soldats avec leur fusil sur l’épaule, descendre la rue tous les matins en chantant Heili Heilo » elle devient messagère pour la Résistance dès 1939, accompagnée de sa fidèle bicyclette bleue. Emprisonné, Jean parvient à s’échapper de prison à la faveur du Débarquement, et retrouve sa dulcinée avant de rentrer en clandestinité. Un récit ponctué par les arrestations, mais aussi par ses rencontres hors du temps avec Jean . Courageuse, elle n’a pas défailli lorsque les Allemands la harcèlent pour qu’elle dénonce son amant ou ses camarades résistants. Une histoire d’amour et d’héroïsme qu’elle se remémore à l’âge de 100 ans, avec nostalgie et émotion, fière d’avoir été fiancée à l’un des héros qui ont sacrifié leur vie pour la liberté.
Ferdinand Lecouvey : De l’Occupation nazie à la deuxième division blindée.
Ferdinand Lecouvey n’est qu’adolescent lorsqu’il subit l’Occupation nazie en Normandie. Il se souvient qu’il n’y avait « rien, rien, rien », c’était le dénuement total. Suite au Débarquement, animé par sa foi patriotique, il s’engage aux côtés de son frère et de son père dans la deuxième division blindée, guidé par le désir de revoir « la France libre ! », un rêve « ancré dans nos viscères ». Surnommé les « SS à De Gaulle », Ferdinand Lecouvey côtoie la mort et l’horreur des combats. Il se rappelle qu’entre « l’ homme de guerre et l’homme de paix, c’est deux mondes différents », et ne souhaite « à personne de voir la guerre, qui ne vous laisse pas indemne… ».
Françoise et Léopold Pernecker : Un amour franco-autrichien.
Léopold est autrichien et appartient au camp du persécuteur. Suite à l’annexion allemande de l’Autriche, il a été enrôlé très tôt dans les jeunesses hitlériennes, entonnant les chants nationalistes et fascistes de l'Allemagne nazie, pris en otage par sa propagande. Françoise n’était qu’une enfant pendant l’Occupation, héritière de la mémoire des guerres franco-allemandes de 1870 et de 1914-1918 que sa mère et sa grand-mère avaient elles aussi subies. Ils se rencontrent à Vienne dans l’Après-guerre et se marient devenant ainsi les ambassadeurs d’une génération en quête de paix, désireuse de « découvrir la vie ». Un couple qui, à lui seul, justifie l’exigence d’une Europe ouverte, unie et consciente de l’absurdité des guerres franco-allemandes. Un couple qui symbolise le succès de l’Europe et de sa nécessaire union pour ne plus jamais connaître l’horreur.
L'extrême droite aux portes du pouvoir en France
80 ans après la fin de la guerre et la victoire contre le nazisme, le Rassemblement national a obtenu 31,37% des voix françaises lors des élections européennes.
Emmanuel Macron a annoncé dissoudre l’Assemblée nationale le 9 juin.
Les Français sont de nouveau appelés à voter dimanche 30 juin aux élections législatives.
En Europe, l’extrême droite est déjà au pouvoir en Italie, en Hongrie et en Slovaquie.
Typologie des civils dans la Seconde Guerre mondiale.
Si 250 000 soldats français trouvent la mort au cours de la Seconde Guerre mondiale, le bilan des victimes civiles est sans appel : 350 000 hommes, femmes et enfants meurent bombardés, déportés ou massacrés, faisant ainsi de l’Occupation nazie la période la plus meurtrière pour les civils en France.
Collaborer, s’exiler, courber l’échine ou résister : quels étaient les choix pour les 42 millions de Français à l’aube de 1939 ?
Épuisés, face aux guerres franco-allemandes qui leur ont déjà tant pris, la majorité des Français font le choix de la passivité et du silence.
Appuyé par une propagande brillante, collaborer se présente comme un choix légitime, de la simple dénonciation jusqu’à l’engagement dans la Milice, le bras armé de la Waffen-SS sur le territoire français, qui comptera jusqu’à 35 000 hommes. Le régime de Vichy institutionnalise la Collaboration. Certains deviennent propagandistes convaincus, d’autres, fonctionnaires de l’Allemagne nazie, allant pour certains jusqu’à s’inscrire dans les rouages des plus terribles atrocités commises pendant la Seconde Guerre mondiale : rafles, massacres, déportation...
De mai à juin 1940, la peur au ventre, 8 à 10 000 civils partent sur les routes, vers la zone libre ; c’est l’Exode. Dès septembre, c’est la faim qui vient étouffer les derniers espoirs, avec un rationnement strict. Pour ceux qui restent dans la zone occupée, c’est le choix d’une vie sous les bombes, qui feront plus de 70 000 morts et 5 millions de sinistrés.
Les disparitions deviennent monnaie courante : l’ami, le voisin, le frère, la sœur... Des disparitions pour des camps dont on ne connaît pas encore l’existence. L’épée de Damoclès nazie maintient l’ordre et la soumission des Juifs, puis des opposants politiques, syndicalistes, homosexuels ou handicapés. Au total, 141 000 Français sont déportés dans des camps de concentration ou d’extermination.
Le service de travail obligatoire (STO), embarque 1 500 000 hommes vers l’Allemagne où, comble de l’infamie, ils participent à l’effort de guerre de l’ennemi.
Peu nombreux seront les Français à embrasser la Résistance : 100 000, tout autant que les collabos, des chiffres bien loin du roman national récité dans l’Après-guerre.
L’appel du 18 juin 1940 apporte l’espoir à des Français qui ne connaissent pas encore l’issue du conflit, mais qui savent pertinemment que la victoire ne leur est pas due. Les plus acquis à la lutte s’engagent activement corps et âme dans la résistance : sabotages, évasions de soldats français, porteuses de valises, sensibilisation et soutien des civils... leurs missions sont diverses et risquées : 60 000 d’entre eux seront exécutés ou déportés.
La place des civils français pendant la Seconde Guerre mondiale révèle un éventail de comportements complexes : de la collaboration active ou passive à la Résistance, en passant par la simple survie dans un contexte de terreur et de privations.
La guerre en Ukraine, envahie par la Russie en février 2022, marque la résurgence de la guerre en Europe, 80 ans après la Libération et le Débarquement de Normandie.
Les Français dans la guerre.
LA DÉFAITE :
1er septembre 1939 : Mobilisation générale, plus de 5 millions d’hommes sont mobilisés, 2 274 000 partent pour la guerre.
Du 10 mai au 25 juin 1940 : La Campagne de France dure une quarantaine de jours. Elle se solde par une défaite et par la mort de 21 000 civils.
27 mai : Les bombardements allemands sur Dunkerque tuent plus de 1 000 civils.
L’OCCUPATION :
Juin 1940 : 8 à 10 millions de civils fuient en zone libre. C’est l’Exode.
20 octobre : Instauration des cartes de rationnement.
Novembre : En Moselle, 60 000 francophones sont expulsés.
LA DÉPORTATION :
Dès 1940 : Déportation des Tsiganes de France, et mise en place du programme « Aktion T4 », qui vise à éradiquer et à déporter les handicapés.
16 juillet 1942 : Rafle du Vel d’Hiv. Bilan total : 76 000 Juifs déportés dans les camps de concentration et d’extermination.
6 juillet 1942 : Le « Convoi des 45 000 » déporte 1 175 communistes, socialistes et syndicalistes. C’est le début de la déportation politique. Bilan total : 42 000 déportés.
DES CIVILS SOUS LES BOMBES :
9 novembre 1942 : Bombardement du port de Saint-Nazaire, 186 civils sont tués.
3 mars 1943 : Bombardement des Alliés sur les usines Renault de Billancourt. L'Ouest parisien devient la cible de l'aviation alliée. Jusqu’en septembre 1943, 637 civils meurent.
Du 16 au 23 septembre : Les bombardements des alliés à Nantes font 1 247 morts.
LA RÉQUISITION :
18 avril 1942 : Instauration de la « Relève » par Vichy, pour répondre au besoin de manœuvre de l’Allemagne.
22 juin : 50 000 prisonniers de guerre français sont échangés contre 150 000 ouvriers.
16 février 1943 : Mise en place du service de travail obligatoire (STO). 1 500 000 civils partent en Allemagne pour participer à l’effort de guerre nazi.
MASSACRÉS PAR LES SS :
Mai 1944 : Pendaison de 99 habitants de Tulle.
10 juin : Massacre de 643 civils, à Oradour-sur-Glane, village supposément résistant. Le même jour, 47 résistants sont assassinés à Ussel.
7 août : Assassinat de 44 résistants à Penguerec (Finistère).
25 août : Massacre de Maillé, 124 habitants sont tués.
29 août : Massacre de 86 habitants de la vallée de la Saulx.
LE PRIX DE LA LIBÉRATION :
27 mai 1944 : Les Bombardements alliés font 3 012 victimes civiles à travers toute la France.
Juin à août : Du débarquement de Normandie jusqu’à la Libération de Paris, les percées des Alliés coûtent la vie à 50 000 civils.
Du 5 au 11 septembre : Au Havre, 5 000 civils périssent dans des bombardements alliés.
De par son histoire intime, chaque témoin raconte un pan de notre Histoire de 1940 à aujourd’hui. Ces récits initiatiques d’une dizaine de minutes sont des armes de transmission et des ressources pédagogiques à destination des élèves, des étudiants, des professeurs et de tous ceux qui ont soif de savoir.
Retrouvez chaque mois une édition thématique sur Les Temps Qui Courent avec un témoignage filmé sur YouTube, des posts sur Instagram pour contextualiser la parole du témoin, et une Lettre des témoins qui reprend l’ensemble de nos contenus.
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